Au Sénégal, la force de la fédération

La Fédération des femmes de Toubacouta qui regroupe plusieurs groupements villageois de femmes est devenue un acteur politique qui peut négocier directement avec le pouvoir communal afin de faire valoir les droits des femmes.

Au Sénégal, Solidagro promeut une approche basée sur le droit à l’alimentation plutôt que sur les stricts besoins alimentaires de la population. Il y a quelques années, les partenaires de Solidagro ont  appuyé la création de la Fédération des femmes de Toubacouta. Elle est l’émanation d’une demande des femmes et d’une bonne compréhension du contexte institutionnel, culturel et économique de la région.

 

« Chaque jour, je travaille dans notre potager et j’ai plus d’énergie que jamais. Les pesticides chimiques sont hors de question ici. Je vois le sol s’enrichir et j’ai appris que cette façon de travailler augmente également la valeur nutritive des aliments que nous cultivons. Le travail en groupe dans le potager a changé ma vie. Je ne suis pas seule, tout le monde raconte des histoires et nous rions tous les jours. Travailler ensemble, c’est mieux, l’unité fait la force ! Et tout cela dans un bel environnement vert. C’est bon pour la santé de tous ! »

Lucie, actrice de changement selon Solidagro, est la présidente d’un des groupements qui fait partie de la Fédération. Après une campagne régionale de grande envergure sur la propriété foncière des femmes, Lucie, avec 45 autres femmes, a acquis 3,5 ha de terres.

En faisant partie de ces groupements et surtout de la Fédération, la conscience de soi et la confiance en soi des femmes augmentent. Les femmes se réunissent à travers différents villages et découvrent le pouvoir du nombre.

 

La Fédération reçoit un appui organisationnel et institutionnel des partenaires de Solidagro et a ainsi pu structurer les services octroyés à ses membres. Les services sont très nombreux et permettent aux groupements villageois de femmes de s’organiser administrativement et financièrement dans les principes de bonne gouvernance, d’avoir accès à des terres, d’augmenter leur production d’aliments de qualité, d’améliorer l’alimentation de leurs familles, d’alléger leur travail et de mettre leurs enfants à l’école.

 

A Toubacouta, la commune a été associée et a soutenu le développement de la Fédération. Elle a attribué plusieurs terres aux groupements de femmes de la commune et a favorisé toutes les activités allant dans le sens de la sensibilisation des bénéficiaires.

Avec 2.300 membres sur 40.000 habitants (enfants compris), la Fédération est devenue un acteur politique qui peut négocier avec le pouvoir communal afin d’obtenir plus pour les femmes. La commune de Toubacouta est devenue un exemple dans toute la région et les partenaires de Solidagro ont organisé des activités avec les autres communes d’intervention afin de favoriser un transfert des bonnes pratiques d’une commune à l’autre.

Une plate-forme pour la promotion des semences paysannes au Sénégal

Les semences paysannes, pourtant riches en diversité et facilement disponibles, sont mises à rude épreuve face aux semences conventionnelles plébiscitées par l’Etat du Sénégal. Solidagro et ses partenaires font la lumière sur les lois qui encadrent ces semences pour faciliter le plaidoyer pour la promotion des semences paysannes.

Soutenu par l’Etat, le système semencier conventionnel qui ne représente que moins de 25% de la totalité des semences utilisées par les exploitations agricoles tous types confondus, considère que toute production de semences à des fins de diffusion et de commercialisation doit être certifiée conformément aux normes et aux règles définies par les règlements techniques.

Par conséquent, pour être qualifié de semence, le matériel végétal doit satisfaire aux critères DHS (Distinction-Homogénéité-Stabilité), être suffisamment distinct des variétés précédemment inscrites, suffisamment homogène, et présenté une stabilité de caractéristiques de génération en génération.

Le système semencier paysan, quant à lui, promeut la souveraineté semencière comme un des principes essentiels qui le sous-tend. En effet, les exploitations familiales satisfont majoritairement leurs besoins en semences en puisant dans leurs propres stocks et, grâce aux échanges (trocs, ventes, dons), ils obtiennent les compléments nécessaires.

La diversité variétale étant un des objectifs visés par ce système, outre la conservation in situ qui accroît les possibilités de disposer de nouvelles variétés, les paysans enrichissent leur système semencier par les échanges de semences, l’intégration de variétés issues de la recherche et répondant à leurs besoins, etc.

Cependant, le système semencier paysan demeure limité par l’érosion variétale qui se traduit par la disparition progressive de plusieurs variétés à cause des chocs climatiques ainsi que le cycle long de plusieurs variétés traditionnelles qui ne sont plus adaptées au raccourcissement de la saison des pluies.

A cela s’ajoute l’invasion et la promotion de semences venant de tous les horizons, la perte de certains savoirs et savoir-faire qui constituent des bonnes pratiques pour obtenir des semences de qualité, les pertes post-récoltes très élevées liées au manque de moyens d’entreposage souvent inappropriés et le recours aux produits chimiques pour la conservation de certaines semences.

Il est important de procéder à l’analyse de la sécurité semencière dans l’intérêt de préserver la diversité variétale dans les systèmes de production paysanne.

Plusieurs outils ont déjà montré leurs preuves tels que :

–        l’analyse de l’agro-biodiversité d’une communauté,

–        l’identification de variétés en voie de disparition et les causes de cette disparition,

–        l’analyse du degré d’autonomie en semences en années,

–        et l’analyse de la sécurité semencière.

Mais il est aussi et surtout important de bien comprendre les textes et lois semenciers en vigueur au Sénégal et à l’international pour mieux porter le plaidoyer pour des politiques favorables à la souveraineté alimentaire et aux droits des agriculteurs.

C’est ainsi que les acteurs de la société civile au Sénégal se sont mobilisés afin de prendre en charge la dimension juridique du combat qui doit se mener avec pour principal objectif la reconnaissance des semences paysannes par l’Etat du Sénégal.