Lutter contre l’insécurité alimentaire, mais également pour ses droits

Au Burkina Faso, revendiquer ses droits n’est pas habituel. Les partenaires de Solidagro échangent avec les membres des organisations communautaires de base pour que celles-ci prennent connaissance des politiques locales et nationales qui les concernent et puissent revendiquer leurs droits quand celles-ci ne sont pas appliquées.

La non-évidence du droit à l’alimentation

Au Burkina Faso, pays où Solidagro est actif avec ses partenaires, autant les bénéficiaires s’accordent sur l’importance des pratiques agro-écologiques pour lutter contre l’insécurité alimentaire et les effets du changement climatique, autant le fait de parler de droit à l’alimentation n’est évident pour personne.

C‘est pourquoi les partenaires de Solidagro ne s’arrêtent pas à donner des formations sur les techniques de production agro-écologique aux membres des organisations communautaires de base (OCB) avec lesquelles ils travaillent. Ils veulent également leur faire comprendre les causes profondes du non-respect de leur droit à l’alimentation.

 

Des politiques communales qui les concernent

Pour aborder cela, les partenaires de Solidagro ont voulu informer les membres des OCB sur les politiques communales qui les concernent. Les partenaires ont ainsi partagé les documents des politiques sectorielles des ministères en charge du développement rural. Ils ont également organisé des ateliers lors desquels les responsables communaux et les services techniques étatiques chargés de développement rural présentent leurs structures, les différentes missions qui leur sont assignées, les projets mis en œuvre ainsi que les politiques nationales qui sous-tendent ces projets.

Ces informations ont permis aux membres des OCB de comprendre qu’il y a des dispositions prévues par l’Etat et les collectivités pour assurer leur sécurité alimentaire mais que ces dispositions ne sont pas toujours mises en œuvre.

D’autres ateliers ont porté plus spécifiquement sur l’analyse de la mise en œuvre des plans communaux de développement.  Cela a permis aux membres des OCB d’identifier les porteurs de devoirs, responsables de la non-réalisation de plusieurs de leurs droits, et plus spécifiquement de leur droit à l’alimentation. Cela a également permis de se rendre compte qu’en général, les niveaux d’exécution de ces plans en matière d’actions agro-écologiques sont très faibles.

Les membres des OCB ont depuis interpellé leurs autorités sur le fait que ces informations ne sont pas diffusées et aussi sur le fait que leurs droits ne sont pas respectés en matière de sécurité alimentaire.

Colette, agricultrice au Burkina Faso et fière de l’être

Colette est membre d’un groupement communautaire au Burkina Faso soutenu par Solidagro et nous raconte comment cela lui a permis de se faire confiance et de maintenant oser prendre la parole en public pour exprimer son opinion, en tant qu’agricultrice, mais aussi en tant que femme.

Je m’appelle Colette, j’ai 51 ans, 6 enfants et j’habite à Zitougou, un village situé dans la commune de Zabré au Burkina Faso. Je suis membre du groupement « Koudawouré Aminga », il s’agit d’une organisation communautaire de base (OCB) dont le but est le développement local et l’amélioration de nos conditions de vie.

Avant que Solidagro ne soit présent dans la zone, on travaillait sur le site sans appui technique d’aucune structure. Pour fertiliser les sols, on achetait de l’engrais chimique et pour le traitement de nos plants, on utilisait des pesticides chimiques. Nos puits tarissaient vite car on n’avait aucune notion sur la gestion de l’eau pour notre parcelle. Depuis lors, je suis mieux outillée pour la production maraichère : j’ai changé mon mode de production et j’ai abandonné les engrais et pesticides chimiques grâce à l’adoption de techniques qui étaient totalement méconnues de tout le groupement. Maintenant, j’ai plus de pouvoir économique, car au lieu d’acheter les intrants chimiques, j’en produis moi-même et je peux ainsi économiser mon argent pour les dépenses sur l’éducation de mes enfants, ce que je n’arrivais pas à faire auparavant. Mon état de santé s’est amélioré car je travaille moins, je suis donc moins fatiguée. J’ai maintenant également accès à une alimentation diversifiée et je consomme ce que je produis avec ma famille, alors qu’avant, tout était destiné à la vente. Un dernier changement dont je peux témoigner, c’est le fait que j’ose prendre la parole au sein de notre organisation communautaire de base, c’est quelque chose que je n’osais pas faire avant. Je me fais maintenant plus confiance.

 

Ce dernier point mérite plus d’informations. Les partenaires de Solidagro ont été formés à intégrer le genre dans leurs activités. Lors de sessions de formation, par exemple, le choix des lieux de formation et des heures sont déterminés avec la participation de tous les membres (homme comme femme). Aussi, lors des formations, les femmes sont encouragées à prendre la parole et à participer activement. Les renforcements de capacités techniques, en alphabétisation et en leadership ont permis aux femmes d’avoir plus d’ouverture d’esprit et de s’affirmer. Nous notons de plus en plus de femmes qui n’hésitent pas à prendre la parole en public et s’exprimer clairement. Dans les OCB mixtes, les femmes accèdent aux postes de responsabilité. Selon les témoignages, les sensibilisations sur la gestion concertée des ressources du ménage et la communication au sein des couples ont permis une meilleure entente au sein des couples. Les femmes témoignent qu’elles ont acquis des capacités de négociation (ouverture d’esprit, connaissances, revenus) qui font que les hommes tiennent compte d’elles dans les prises de décision. Le profil d’empowerment utilisé par les partenaires de Solidagro est composé de 4 éléments : femme alphabétisée, femme qui contrôle ses ressources, femme ayant accès aux facteurs de production et femme ayant accès aux crédit. Ces indicateurs ont évolué de manière exponentielle au sein de la population avec laquelle travaillent les partenaires de Solidagro.

Le droit à l’utilisation permanente de périmètres maraichers au Burkina Faso

L’accès à la terre pour les femmes au Burkina Faso reste une difficulté majeure quand on parle de droit à l’alimentation. Grâce à l’analyse menée par les partenaires de Solidagro et les organisations communautaires de base, les fondements de cette difficulté ont été déjoués un à un.

Au Burkina Faso, les partenaires de Solidagro ont une très bonne connaissance du contexte dans lequel ils travaillent, ce qui leur permet de proposer des solutions pertinentes aux problèmes auxquels les groupes-cibles sont confrontés.

Par exemple, lorsqu’il s’est avéré qu’il y avait des blocages qui empêchaient des groupements de femmes de se lancer dans la production de légumes en période hivernale, les partenaires ont analysé la situation avec les membres de ces organisations communautaires de base (OCB). Ils ont trouvé que les droits des femmes étaient constamment remis en cause pour avoir accès à ces terres et que les espaces aménagés leur étaient retirés à chaque fin de projet/programme. Face à cela, les titulaires d’obligations restaient passifs. Cela pourrait être dû au caractère social et coutumier qui reste très sensible au Burkina Faso quand on parle des droits des femmes. A côté de cela, la législation foncière est une matière difficile à appliquer. Une première étape est l’identification des porteurs de devoirs pouvant faciliter la sécurisation foncière, il s’agit des propriétaires fonciers et des collectivités territoriales.

Une bonne analyse des parties prenantes et la sensibilisation des femmes par rapport à leur droit à la terre ont pu mener à une négociation efficace, ce qui a permis de sécuriser des parcelles qui appartiennent désormais aux groupements de femmes. Il apparait de ce processus que la sécurisation des terres et une action plus facile à revendiquer pour une OCB qu’un individu.