Où en est l’agroécologie en Bolivie?

Si vous avez le choix entre une salade cultivée avec des produits chimiques (pesticides, herbicides ou insecticides) et une autre, sans chimie, cultivée de façon biologique : laquelle achèterez-vous ? 

Sur un marché en Bolivie, on demande rarement comment les légumes sont cultivés, et pourtant il y a des paysans qui choisissent la manière biologique alors que d’autres utilisent des produits chimiques.

L’industrie agricole dans la plaine bolivienne a exercé au cours de ces dernières années un intense lobbying auprès des autorités à La Paz, ce qui a ouvert largement la voie aux pesticides chimiques et aux cultures génétiquement modifiées. Les gigantesques incendies de forêt dans la région de Chiquitania, autour de septembre 2019, ont été la conséquence de la décision gouvernementale de libérer les terres agricoles pour des monocultures, comme le soja. Dans ce contexte, beaucoup d’acteurs dans le pays qui défendent l’agroécologie ont pris conscience de l’urgence d’unir les forces et d’offrir ainsi un contrepoids.

 

MAB – Mouvement agro-écologique bolivien

Début 2020, plusieurs institutions, plateformes, ONG et product.rice.eur.s agro-écologiques se sont réuni.e.s à La Paz pour évaluer l’état de la situation pour ces formes alternatives de production alimentaire et développer une stratégie politique pour les promouvoir jusqu’au niveau national. Ils.elles se sont donné le nom de « MAB – Movimiento Agroecológico Boliviano ». En mars 2020, un nouveau pas a été franchi vers une consolidation de ce nouveau mouvement agro-écologique.

Solidagro soutient le mouvement par un développement participatif d’une stratégie de sensibilisation et d’influence politique. Trois priorités s’en dégagent :

  1. Davantage d’investissement et de soutien aux product.rice.eur.s agro-écologiques à un niveau national.
  2. Sensibilisation des consommat.rice.eur.s à l’importance d’une alimentation saine. 
  3. Promotion de la chaîne courte : vente directe des product.rice.eur.s écologiques aux consommat.rice.eur.s d’aliments sains.

 

Produire de façon agro-écologique, une approche systémique

« Produire de façon conventionnelle est beaucoup plus facile. Dès qu’il y a infestation, on met de l’insecticide ; il pousse des mauvaises herbes, on met de l’herbicide ; le sol n’est pas bon, on y met du fertilisant. La production agro-écologique va plus loin, on régénère le sol par une série de pratiques, comme une rotation des cultures et des parcelles, des intrants préparés, etc. La production est donc vraiment complexe mais elle est aussi vraiment durable parce qu’elle n’endommage pas l’environnement et respecte la biodiversité puisque nous travaillons avec des fertilisants locaux pour ne pas dépendre d’intrants externes », explique Lourdes Vargas, directrice technique de l’Union des Organisations des Product.rice.eur.s écologiques de Bolivie, une entité regroupant 70.000 product.rice.eur.s agro-écologiques à travers tout le pays.

 

En ce qui concerne la production, les organisations qui forment le MAB ont identifié le changement climatique comme l’un des principaux dangers qu’intensifie le système conventionnel de production alimentaire. Et qui agit doublement sur la production agro-écologique, en affaiblissant le sol et l’éco-système.

« Si notre sol est de bonne qualité, nos légumes seront bons, nous aurons une nourriture de qualité ; et si les gens se nourrissent bien, ils seront en bonne santé. Nous devons penser aussi à toutes les générations qui viendront après nous », a déclaré Germán Vargas, de l’Agroecology and Faith Association of Cochabamba.

 

« Ceux qui se considèrent comme des partisan.ne.s de l’agroécologie doivent avoir une approche systématique : je ne peux pas être tantôt agro-écologique, tantôt pas, je ne peux pas me comporter chez moi de façon agro-écologique et être un consommateur ignorant à l’extérieur. Je ne peux pas travailler dans une institution agro-écologique et puis, en rentrant chez moi, être un consommateur « junkie ». Il est important de stimuler la prise de conscience par rapport à cela chez chaque individu, chaque famille et finalement au sein de toute institution », estime Maria Julia Jimenez, coordinatrice du mouvement Slow Food en Bolivie, qui travaille à la production de nourriture saine, équitable et bonne, et ce en opposition au fastfood.

 

Soutien des autorités ?

Pour finir, on constate que l’absence d’une politique gouvernementale aux niveaux communal, départemental et national freine la croissance et la promotion de l’agroécologie. L’agro-industrie du soja, de l’huile et d’autres produits que l’on trouve essentiellement dans la partie orientale de la Bolivie, tire d’évidence le plus grand profit des choix politiques du gouvernement.

 

« Nous avons parlé du manque de clarté de la gestion de l’Etat. Nous voyons que tou.te.s les ministres et vice-ministres responsables d’une partie des problèmes que nous devons affronter, ne disposent que d’un budget très limité et que l’Etat privilégie de façon générale les cultivat.rice.eur.s de soja, les éleveu.se.r.s de bétail, les grand.es. product.rice.eur.s qui utilisent des pesticides, etc. Ceci pour une politique de facilité économique. Nous avons le sentiment qu’il y a une sorte de double discours, nous voulons donc une clarification. Voulez-vous vraiment que l’on privilégie une alimentation saine ou n’est-ce qu’un leurre pour nous faire taire ? C’est ce que nous appelons une politique de la facilité. », dénonce Pierre Van Oost, président de l’Association des Chefs-Coqs boliviens.

« Via ces réunions, en ligne avec la stratégie d’influence politique, le MAB essaie d’impliquer davantage d’institutions pour atteindre un plus fort impact politique. En premier lieu, à un niveau local, puis national. », explique Enrique Torrejón, coordinateur du Sustainable Food Systems Program, de l’Union Nationale des Institutions pour une Action sociale (UNITAS).

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