Une plate-forme pour la promotion des semences paysannes au Sénégal

Les semences paysannes, pourtant riches en diversité et facilement disponibles, sont mises à rude épreuve face aux semences conventionnelles plébiscitées par l’Etat du Sénégal. Solidagro et ses partenaires font la lumière sur les lois qui encadrent ces semences pour faciliter le plaidoyer pour la promotion des semences paysannes.

Soutenu par l’Etat, le système semencier conventionnel qui ne représente que moins de 25% de la totalité des semences utilisées par les exploitations agricoles tous types confondus, considère que toute production de semences à des fins de diffusion et de commercialisation doit être certifiée conformément aux normes et aux règles définies par les règlements techniques.

Par conséquent, pour être qualifié de semence, le matériel végétal doit satisfaire aux critères DHS (Distinction-Homogénéité-Stabilité), être suffisamment distinct des variétés précédemment inscrites, suffisamment homogène, et présenté une stabilité de caractéristiques de génération en génération.

Le système semencier paysan, quant à lui, promeut la souveraineté semencière comme un des principes essentiels qui le sous-tend. En effet, les exploitations familiales satisfont majoritairement leurs besoins en semences en puisant dans leurs propres stocks et, grâce aux échanges (trocs, ventes, dons), ils obtiennent les compléments nécessaires.

La diversité variétale étant un des objectifs visés par ce système, outre la conservation in situ qui accroît les possibilités de disposer de nouvelles variétés, les paysans enrichissent leur système semencier par les échanges de semences, l’intégration de variétés issues de la recherche et répondant à leurs besoins, etc.

Cependant, le système semencier paysan demeure limité par l’érosion variétale qui se traduit par la disparition progressive de plusieurs variétés à cause des chocs climatiques ainsi que le cycle long de plusieurs variétés traditionnelles qui ne sont plus adaptées au raccourcissement de la saison des pluies.

A cela s’ajoute l’invasion et la promotion de semences venant de tous les horizons, la perte de certains savoirs et savoir-faire qui constituent des bonnes pratiques pour obtenir des semences de qualité, les pertes post-récoltes très élevées liées au manque de moyens d’entreposage souvent inappropriés et le recours aux produits chimiques pour la conservation de certaines semences.

Il est important de procéder à l’analyse de la sécurité semencière dans l’intérêt de préserver la diversité variétale dans les systèmes de production paysanne.

Plusieurs outils ont déjà montré leurs preuves tels que :

–        l’analyse de l’agro-biodiversité d’une communauté,

–        l’identification de variétés en voie de disparition et les causes de cette disparition,

–        l’analyse du degré d’autonomie en semences en années,

–        et l’analyse de la sécurité semencière.

Mais il est aussi et surtout important de bien comprendre les textes et lois semenciers en vigueur au Sénégal et à l’international pour mieux porter le plaidoyer pour des politiques favorables à la souveraineté alimentaire et aux droits des agriculteurs.

C’est ainsi que les acteurs de la société civile au Sénégal se sont mobilisés afin de prendre en charge la dimension juridique du combat qui doit se mener avec pour principal objectif la reconnaissance des semences paysannes par l’Etat du Sénégal.

Au Sénégal, la force de la fédération

La Fédération des femmes de Toubacouta qui regroupe plusieurs groupements villageois de femmes est devenue un acteur politique qui peut négocier directement avec le pouvoir communal afin de faire valoir les droits des femmes.

Au Sénégal, Solidagro promeut une approche basée sur le droit à l’alimentation plutôt que sur les stricts besoins alimentaires de la population. Il y a quelques années, les partenaires de Solidagro ont  appuyé la création de la Fédération des femmes de Toubacouta. Elle est l’émanation d’une demande des femmes et d’une bonne compréhension du contexte institutionnel, culturel et économique de la région.

 

« Chaque jour, je travaille dans notre potager et j’ai plus d’énergie que jamais. Les pesticides chimiques sont hors de question ici. Je vois le sol s’enrichir et j’ai appris que cette façon de travailler augmente également la valeur nutritive des aliments que nous cultivons. Le travail en groupe dans le potager a changé ma vie. Je ne suis pas seule, tout le monde raconte des histoires et nous rions tous les jours. Travailler ensemble, c’est mieux, l’unité fait la force ! Et tout cela dans un bel environnement vert. C’est bon pour la santé de tous ! »

Lucie, actrice de changement selon Solidagro, est la présidente d’un des groupements qui fait partie de la Fédération. Après une campagne régionale de grande envergure sur la propriété foncière des femmes, Lucie, avec 45 autres femmes, a acquis 3,5 ha de terres.

En faisant partie de ces groupements et surtout de la Fédération, la conscience de soi et la confiance en soi des femmes augmentent. Les femmes se réunissent à travers différents villages et découvrent le pouvoir du nombre.

 

La Fédération reçoit un appui organisationnel et institutionnel des partenaires de Solidagro et a ainsi pu structurer les services octroyés à ses membres. Les services sont très nombreux et permettent aux groupements villageois de femmes de s’organiser administrativement et financièrement dans les principes de bonne gouvernance, d’avoir accès à des terres, d’augmenter leur production d’aliments de qualité, d’améliorer l’alimentation de leurs familles, d’alléger leur travail et de mettre leurs enfants à l’école.

 

A Toubacouta, la commune a été associée et a soutenu le développement de la Fédération. Elle a attribué plusieurs terres aux groupements de femmes de la commune et a favorisé toutes les activités allant dans le sens de la sensibilisation des bénéficiaires.

Avec 2.300 membres sur 40.000 habitants (enfants compris), la Fédération est devenue un acteur politique qui peut négocier avec le pouvoir communal afin d’obtenir plus pour les femmes. La commune de Toubacouta est devenue un exemple dans toute la région et les partenaires de Solidagro ont organisé des activités avec les autres communes d’intervention afin de favoriser un transfert des bonnes pratiques d’une commune à l’autre.

Villages de genre au Congo : Un village dans la ville

En 2016, les militants d’Etoile du Sud (EDS), un des partenaires congolais de Viva Salud à Lubumbashi, se sont posé de plus en plus de questions sur l’inégalité entre femmes et hommes. Au sein de leurs comités populaires de santé et dans le fonctionnement des groupes de jeunes et de femmes, ces dernières ne participaient pas aux débats politiques. Et ils ont estimé qu’il était plus que temps de faire de l’empowerment des femmes dans leur communauté. Une rétrospective de plus de trois ans d’expérience avec les villages du genre. 

Lubumbashi, d’une ville minière à une ville agricole

Lubumbashi est connue pour avoir abrité la Gécamines, la plus ancienne et la plus importante entreprise minière de la République démocratique du Congo. Jusqu’en 1990, la Gécamines assurait un tiers des revenus de la ville. Mais suite aux conflits civils à la fin des années 90 – début des années 2000, l’industrie minière s’est écroulée. La vente d’une bonne partie des concessions minières à des tiers a conduit la Gécamines au bord de la faillite. Le déclin des activités de l’entreprise minière a eu un énorme impact sur la vie économique, et surtout sur le rôle des femmes. Un taux de chômage élevé chez les mineurs, des hommes en majorité, a poussé de plus en plus de femmes vers des activités informelles d’agriculture, le deuxième plus grand atout de Lubumbashi. Dans les quartiers populaires, c’étaient de plus en plus souvent les femmes qui gagnaient l’argent du ménage. La position subalterne des femmes a eu un impact négatif sur les relations sociales entre hommes et femmes.

 

Premier village de genre en 2015

Les militants de la section d’Etoile du Sud au Katanga ont posé un regard critique sur le rôle de la femme dans la famille congolaise. Dans un premier temps, ce sont les militantes féminines qui se sont posé ces questions. Elles se demandaient par exemple pour quelle raison les femmes ont moins le droit à la parole que les hommes. Elles ont constaté que l’inégalité entre hommes et femmes était une constante dans leur environnement immédiat, aussi bien à la maison qu’au travail, et ont décidé de s’attaquer au problème. Cette mise en question collective de l’inégalité de genre dans l’anonymat de la ville a été un immense défi.

 

Les militants du Katanga ont entamé dès lors une première réflexion sur leur propre situation à la maison et au travail. Avec l’experte de genre Kat Françoise, de l’Université de Lubumbashi, ils ont cherché à identifier le lieu où l’inégalité entre les hommes et les femmes s’était manifestée pour la première fois et la façon dont ils pourraient créer un endroit sûr pour les habitants des quartiers populaires de Lubumbashi pour aborder l’inégalité des genres au sein de la communauté. Il n’a pas fallu longtemps avant qu’apparaisse le premier village de genre. Mami Meta, du premier village de genre, se souvient encore des paroles du responsable de la formation, « Commencez maintenant à créer une nation de citoyens du genre ». Cette blague les faisait rire mais elle a aussi créé une idée inspirante pour cette initiative. Tout le monde était enthousiaste à l’idée de développer des villages de genre pour défendre l’égalité des genres et l’empowerment des femmes ».

Après cette première étape de réflexion, la section locale au Katanga a lancé une campagne « Villages de genre » à grande échelle pour sensibiliser toutes les structures existantes d’Etoile du Sud, à commencer par les comités populaires de santé, les groupes de jeunes et de femmes, et jusqu’aux organisations membres qui participaient aux activités d’Etoile du Sud au sein des quartiers populaires.

 

L’engagement est essentiel

Le premier défi pour convaincre les habitants des quartiers populaires à rejoindre le combat a été de les impliquer. En septembre 2016, les militants au Katanga ont entamé, via des enquêtes sociales, une analyse des causes profondes et des manifestations de l’inégalité des genres dans les quartiers populaires. Ils ont interrogé 1175 personnes, dont 629 femmes et 546 hommes, dans cinq des sept communes de Lubumbashi.

 

Ce travail a permis d’analyser l’inégalité des genres à Lubumbashi et de mettre en lumière des exemples concrets de discrimination dans les quartiers populaires. Les constatations suivantes ont pu être faites :

                 les garçons ont souvent priorité au sein de la famille pour l’accès à la scolarité

                 on enseigne moins de compétences aux femmes au sein de la famille

                 les femmes sont chargées principalement des tâches ménagères

                 les femmes ont moins droit à la parole que les hommes

                 les femmes ont moins droit de décision au travail

                 peu de femmes ont des fonctions de responsabilité ou exercent des métiers impliquant une prise de décisions

 

Une des constatations les plus révélatrices a été que les femmes comme les hommes sont convaincues du rôle inférieur des femmes. Nombre d’entre elles se sous-estiment et croient que les hommes ont plus de droits parce qu’ils auraient plus de capacités. A la base de toutes les pratiques discriminantes, on trouve essentiellement des croyances et des préjugés culturels et religieux issus des usages traditionnels au sein des communautés. On a pu constater qu’une interprétation littérale de la bible, présentant la femme comme inféodée à l’homme, a un effet néfaste sur la conscience de soi des femmes et des hommes. Des dizaines de citations bibliques teintées de misogynie sont reprises telles quelles dans la conscience collective de la communauté. Ainsi, les femmes sont perçues comme appartenant aux hommes, le fait de partir ailleurs est socialement acceptable pour un homme mais pas pour une femme, les mères seules sont considérées comme égoïstes, et on sort encore des dizaines d’exemples pour affirmer que la soumission de la femme est une condition essentielle pour un mariage réussi.

 

En janvier 2017, Etoile du Sud a organisé une série d’ateliers pour former des membres de la communauté à devenir initiateurs de villages de genre. Le 13 juillet 2017, le moment était venu pour un atelier placé sous le signe d’un engagement officiel en vue de la création de villages de genre dans les quartiers populaires de Lubumbashi. Une fois les enquêtes réalisées, il était temps d’en partager les résultats. Le défi était de créer le plus de villages de genre possible, où tous les membres se sentent impliqués à égalité et s’entraident dans la dénonciation des préjugés et tabous et la discussion autour des croyances culturelles et religieuses. Les initiateurs ont révélé les résultats des enquêtes au cours d’une opération porte à porte et à travers des actions théâtrales ludiques.

 

Mama Wa Usafi

Pour impliquer davantage les femmes souffrant d’un sentiment d’infériorité, Etoile du Sud a intégré une campagne de partage dans le cadre d’une campagne plus large autour du droit à la santé. Via des actions collectives de balayage des rues, l’objectif était de donner un rôle actif et une tâche aux femmes au sein de leur communauté afin de booster leur confiance en soi, de donner de la visibilité aux villages de genre et de mobiliser les gens autour du droit à la santé et de l’égalité de genre.

 

Les actions de balayage des rues se sont vite révélées des stimulants pour les villages de genre parce que les forces motrices derrière ces actions étaient les « mamans » des ménages. D’où le nom de « Maman Wa Usafi » donné à cette campagne, ce qui signifie littéralement « mère de la propreté ». Avec ce slogan, Etoile du Sud voulait mettre la femme au centre de cette campagne et valoriser le rôle des mères au sein de la communauté. La campagne fait référence en premier lieu à la famille et à la force des femmes au sein de la famille, mais elle veut aussi donner aux femmes davantage voix au chapitre et mettre en évidence l’importance des femmes dans les quartiers populaires, dans les villes et les campagnes. Les femmes sont des moteurs de changement, prennent position et prennent des décisions cruciales pour et avec la communauté. Les actions de balayage des rues restent un atout important pour l’implication à un niveau local, d’abord au sein de la famille, ensuite dans les quartiers populaires, pour développer les villages de genres dans et autour de Lubumbashi.

 

D’autres initiatives encore ont été prises dans le cadre de la campagne « Mama wa Usafi ». Dans le village de Maendeleo Hewa-bora, les initiateurs du village de genre ont développé un projet pour générer des revenus pour les femmes à travers l’élevage et l’agriculture. Ainsi, ils achètent régulièrement des poussins pour les revendre quelques semaines plus tard quand on peut les consommer. Ces premiers revenus ont permis de louer un terrain à cultiver. Ce projet a aussi pour but de soutenir et de développer les actions du village de genre. Ainsi, leur souhait est d’acquérir un bâtiment et des infrastructures adaptées pour des activités comme des formations pour les femmes autour de l’alphabétisation, le leadership, la confiance en soi, la prise d’initiatives, en bref autour de tout ce qu’ils estiment nécessaire pour un vrai combat pour l’égalité des genres dans leur quartier.

 

Le changement vient d’en bas

Le résultat est visible sur le terrain : les hommes défendent les femmes qui se battent pour leurs idées et les femmes disposent de plus de liberté au sein de leur famille grâce au soutien des hommes et des garçons. La coopération et la cohésion sociale sont plus fortes parce que chacun fait partie des villages. Femmes, hommes, enfants, jeunes, tous, grands et petits, peuvent contribuer à une plus grande égalité des genres. Lors des actions de sensibilisation, les rôles sont aussi inversés, à l’exemple des écoles de genre de Kinshasa, où les filles jouent au foot pendant que les garçons les encouragent. Une manière ludique de briser certains stéréotypes. Le Ministère du Genre et de la Famille du Katanga soutient la campagne et souhaite l’étendre à des régions plus éloignées au sein de la province. Le défi est maintenant de recevoir le soutien structurel des pouvoirs supra-locaux pour les villages de genre au Congo.

Congo : comment les comités d’eau sauvent des vies à Goma

« L’eau c’est la vie », c’est avec ce slogan que les comités d’eau revendiquent un meilleur accès à l’eau à Goma. L’installation de réservoirs à eau n’était pas un but en soi, mais plutôt une étape pour renforcer la communauté afin que celle-ci fasse valoir et puisse jouir de son droit à l’eau.

La ville de Goma, dans le nord-est du Congo, est située sur l’immense lac Kivu, et pourtant, l’accès à l’eau dans les quartiers populaires est loin d’être évident. En 2017, Etoile du Sud (EDS), partenaire de Viva Salud, a installé un réservoir de 10m³ dans le quartier périphérique du Lac Vert. Un investissement qui a pas mal fait bouger les choses pour les habitants.

Début janvier 2018, le Ministre provincial de la santé dans le Nord-Kivu a pris la décision de collaborer avec les comités populaires locaux.

 

Des étapes vers le droit à l’eau potable
L’organisation d’un quartier commence en associant des personnes disposant d’une certaine influence auprès de leur communauté et qui ont l’envie de réfléchir ensemble pour améliorer les conditions de vie de celle-ci. Ensemble, ils identifient les problèmes de leur quartier. Une fois les priorités bien claires, ce groupe de base s’élargit jusqu’à former un comité populaire pour la santé, avec des hommes et des femmes motivés pour s’engager concrètement en faveur de leur quartier. Une enquête à grande échelle est ensuite menée au sein de la population. De cette façon, Etoile du Sud vise à impliquer un maximum de personnes dans le projet.

En 2017, le comité populaire du Lac Vert a décidé de mettre en premier point de l’ordre du jour un meilleur accès à l’eau. Le quartier peinait à avoir accès à l’eau parce que la Regideso, la société nationale de distribution d’eau, l’avait négligé. Depuis 2010, Regideso était censée installer des conduites d’eau, mais sept ans plus tard, rien n’avait encore été fait.

Mercycorps, une ONG américaine, voyant ce besoin en eau potable, avait installé en 2014 quelques réservoirs au Lac Vert et le quartier tout proche de Mugunga. Mais par manque de moyens, les autorités provinciales du Nord-Kivu n’étaient pas en mesure d’assurer le suivi et leur entretien.

 

La manifestation des « Bidons jaunes » met sous pression la législation nationale relative à l’eau
Rapidement, les habitants du quartier ont voulu s’impliquer dans la gestion et se sont organisés en comités de santé locaux, grâce au soutien d’Etoile du Sud. Ils sont descendus dans la rue pour revendiquer leur droit à l’eau, au cours d’une marche avec des bidons jaunes qui a été filmée dans ce documentaire réalisé par des étudiants de l’école de cinéma et de théâtre de Lubumbashi et des étudiants de l’école d’arts RITCS Bruxelles. 

Les autorités locales se sont senties soutenues par la marche des “bidons jaunes” et ont fait pression sur les autorités nationales pour une adaptation de la loi congolaise sur l’eau. Cette loi rendait la société nationale de distribution de l’eau responsable de l’approvisionnement en eau sur tout le territoire de la République démocratique du Congo. Une tâche quasi impossible, sachant que le Congo est près de 77 fois plus étendu que la Belgique et que certaines régions sont très difficiles d’accès.

La nouvelle loi, approuvée fin 2017, permet néanmoins une collaboration avec des tiers. Cela donne une chance supplémentaire aux comités de santé et de l’eau locaux, qui peuvent ainsi obtenir un financement de leurs projets par la province du Nord-Kivu.

Fin 2017, un comité d’eau durable a installé un nouveau réservoir dans le quartier du Lac Vert. Le réservoir a une capacité suffisante pour approvisionner une centaine de familles. De l’eau est pompée dans le lac Kivu, transportée jusqu’à une station d’épuration locale et ensuite au réservoir du Lac Vert. Le comité populaire en assure lui-même la gestion et l’entretien.

 

Le comité populaire inspire les autorités provinciales

Voyant que ces comités d’eau locaux garantissent une gestion autonome, les autorités provinciales se sont montrées intéressées dans une collaboration élargie. Début 2018, cette collaboration a été concrétisée à la suite d’une rencontre avec le Ministre provincial de la Santé du Nord-Kivu.

Sawy, avocat et collaborateur provincial de l’Etoile du Sud, est un ardent défenseur d’une collaboration durable avec les autorités : “EDS veut créer des leviers pour le changement grâce à la participation de la communauté. Mais la responsabilité pour les besoins de base doit être entre les mains des pouvoirs publics. C’est de cette façon qu’ils peuvent se renforcer et garantir les droits de base de la population.”

Le comité d’eau du Lac Vert veut à présent aller encore plus loin. Ils font des plans pour des réservoirs mobiles afin de fournir de l’eau aux familles qui habitent dans des zones encore plus reculées.

Activisme de santé au Congo : 3 x 3

Pourquoi Billy, Roger et Sylvie sont-ils devenus activistes de la santé chez Etoile du Sud? Qui les a inspirés et comment leur vie a-t-elle changé depuis qu’ils sont activistes? Nous avons posé trois questions à Billy (président de la dynamique des jeunes), Roger (aide-comptable) et Sylvie (présidente du Conseil d’Administration).

Qui t’a donné l’idée de devenir activiste de la santé?
Roger: « J’ai tout d’abord été actif chez Filimbi, un groupe de jeunes qui luttait pour le changement dans tout le continent africain. Malheureusement, suite à une modification de la vision de l’organisation, je ne m’y suis plus senti à ma place. Je suis un fervent lecteur et Billy de EDS m’avait expliqué que je pouvais emprunter gratuitement des livres dans leur bibliothèque. J’y ai découvert la lutte pour le droit à la santé et l’intérêt ne m’a plus jamais quitté. Lorsque j’ai participé à la conférence de l’EDS, le coordinateur m’a repéré. Nous avons parlé politique et santé. En 2014, il m’a demandé si je voulais devenir son assistant personnel, j’ai accepté. »

Billy: « Un ami m’a convaincu de participer aux réunions d’une section d’EDS à Barumbu, chez “Maman Henriette”. Lors de la deuxième réunion, avec la présidente de la section locale d’EDS, nous avons parlé du problème d’électricité dans ma rue. Et je lui ai promis sans plus attendre de mettre mes nouvelles connaissances en pratique. »

Sylvie: « En tant que collaboratrice à la rédaction du journal l’Observateur, j’écrivais des rapports sur des activités autour de la culture et du développement. C’est ainsi qu’en 2009, j’ai découvert EDS à l’occasion d’une de leurs activités publiques. Les bénévoles des comités populaires pour la santé m’ont parlé des difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain. Les animateurs d’EDS nous ont proposé de collaborer avec les autorités et les dirigeants locaux pour résoudre nos problèmes. J’ai été fort impressionnée par leur approche et j’ai continué à suivre leurs activités. Après un certain temps, un coordinateur m’a demandé de travailler à temps partiel pour EDS en tant que collaboratrice pour la communication. »

 

A quel moment t’es-tu rendu.e compte que tu pouvais jouer un rôle dans la lutte pour le droit à la santé?
Roger: « Lorsque j’ai déménagé pour mon appartement actuel, j’ai réalisé qu’il n’y avait pas la moindre poubelle dans aucun des 14 (!) appartements. Tout le monde jetait ses immondices dans la rue, devant le portique d’entrée. J’ai commencé par sensibiliser mes voisins aux problèmes d’hygiène liés aux immondices qui traînaient partout mais ils n’entendaient pas mon message. Un jour, un enfant qui jouait devant notre entrée a commencé à manger les immondices. Il est devenu très malade. Subitement, tout le monde m’écoutait. Le propriétaire a obligé tout le monde à mettre ses immondices dans une poubelle. Nous avons organisé un système de collecte pour lequel chaque habitant payait sa part.
Je remarquais que je pouvais avoir un impact positif sur mon voisinage et depuis, j’ai continué à développer mon engagement dans ma rue et ensuite dans tout mon quartier. »

Billy: « J’ai découvert que le câble électrique qui devait apporter du courant dans ma rue était défectueux. Pas très sécurisé, donc. Mes connaissances tout juste acquises au sujet de l’empowerment m’ont fait comprendre que j’étais moi aussi responsable de mes conditions de vie. J’ai réuni quelques jeunes de ma rue et nous avons discuté de quelle façon nous pourrions résoudre ce problème. Nous avons écrit une lettre à la société nationale d’électricité, au Parlement national et au Ministère de l’Energie. Des responsables locaux ont signé la lettre, ainsi que la présidente de notre comité populaire de la santé et nous-mêmes. Une semaine plus tard, tôt le matin, nous avons tout à coup vu des travailleurs de la société d’électricité livrer un nouveau câble. De peur qu’il ne soit volé, nous les avons aidés à enterrer le câble au plus vite. »

Sylvie: « En tant que collaboratrice d’EDS, je me rendais régulièrement sur le terrain pour mieux connaître leurs réalisations et le contexte. J’étais fascinée par les nombreux bénévoles qui s’investissent de façon désintéressée pour leur communauté. Ils luttent contre l’érosion, contre la sous-alimentation chez les enfants, contre le manque d’hygiène des conditions de vie. A l’époque, je travaillais encore à temps partiel pour le journal et je parlais de plus en plus d’EDS à mes collègues. J’y ai lancé mes propres campagnes pour la santé et j’ai même reçu le surnom de “Maman Bopeto”, d’après les ramasseurs de déchets porte-à-porte. Combiner mes deux fonctions devenait trop lourd, j’ai donc fini par opter pour une fonction à temps-plein chez EDS. »

 

En quoi ta vie a-t-elle changé depuis que tu es devenu.e activiste de la santé?
Roger: « Lors de mes études en relations internationales, je voulais devenir diplomate en Ouganda. J’y avais fait un stage à l’ambassade congolaise. Maintenant, je travaille comme assistant-comptable chez EDS. Ma vie a donc pris une toute autre direction. Grâce à des formations chez EDS, je sais maintenant comment aborder des problèmes concrets dans mon quartier et à qui je dois m’adresser pour obtenir des changements concrets. Je constate que mon engagement a un résultat permanent et j’en suis fier ! »

Billy: « Après notre action pour une électricité plus sûre, nous avons fondé, moi et d’autres jeunes, un comité de rue pour s’occuper de nos problèmes. Tout le quartier est à présent au courant de cette initiative. Hommes et femmes, adultes et enfants, tous participent à nos actions de solidarité. Entretemps j’ai fait de mon engagement mon métier et je suis président du mouvement de jeunes de l’EDS. »

Sylvie: « Déjà à la rédaction à l’Observateur, je m’occupais de questions relatives au développement. Mais ce n’est qu’en découvrant Etoile du Sud que j’ai pu réellement constater l’impact positif de l’activisme pour la santé. Je ne regrette pas un instant ma décision de m’engager pour EDS. »

Les RECOPE et les Parlements d’enfants en RD Congo

Les enfants et jeunes – les détenteurs des droits, prennent la responsabilité de sensibiliser les communautés sur leurs droits et gagnent en capacité de les réclamer auprès des autorités locales.

Journée de l’Enfant africain

Le 16 juin de chaque année, KIYO organise en collaboration avec son partenaire local AVREO la commémoration de la journée internationale de l’Enfant africain. C’est un événement caractérisé par une ambiance de chansons éducatives, de théâtres et de poèmes présentés par les enfants.

 

Les enfants membres de Parlements d’enfants s’expriment à travers la presse et devant le représentant du chef de l’Etat congolais, demandant la mise en application des lois qui contribuent au respect des droits de l’enfant en RDC. Le « Parlement d’enfants » est une structure communautaire constituée de 10 enfants qui travaillent pour leur protection et celle des autres enfants. Cette structure a été mise en place par AVREO en collaboration avec la division « Genre, famille, enfant » de la province. AVREO renforce les capacités techniques et opérationnelles des Parlements d’enfants à travers diverses formations et appuis matériels pour l’exécution de leurs activités. 

Voici l’extrait du discours d’un enfant :

« L’enfant doit jouir d’une protection spéciale face à toute forme de menace pouvant compromettre sérieusement sa santé physique et morale ou affectant son sens de jugement et de responsabilité envers la société. C’est en vertu de cet idéal que moi, Jean-Marie, représentant le comité d’enfant demande à l’Etat congolais de mettre fin au fait que les enfants continuent à être déscolarisés et les filles sont poussées à la prostitution pour subvenir à leurs besoins. »

Les autorités ont ensuite l’occasion de répondre à ces demandes et promettent bien souvent de faire leur maximum pour accéder à toutes les revendications.

 

Plaidoyer envers les autorités locales

De plus, KIYO et AVREO appuient les RECOPE dans l’élaboration de plans d’action pour leurs activités de plaidoyer et sensibilisation auprès des autorités locales pour assurer la prise en charge des enfants vulnérables au sein de la communauté. Les RECOPE (Réseaux Communautaires de Protection de l’Enfant) sont des structures communautaires constituées de 25 membres venant d’horizons différents et qui travaillent pour la protection des enfants. Ces structures ont également été mises en place par AVREO avec, cette fois, la division des affaires sociales de la province. Les RECOPE accompagnent les Parlements d’enfants afin de trouver des solutions durables et communautaires aux problèmes rencontrés par les enfants identifiés. 

 

Ainsi, le travail de plaidoyer mené par les RECOPE permet que les autorités locales contribuent à mobiliser les responsables des groupes armés et les responsables de carrières des mines et de maisons de commerces de sexe à libérer les enfants. Et cela fonctionne, certains enfants sont ainsi libérés.

Un autre exemple plus particulier vise la détention provisoire de jeunes garçons (entre 13 et 14 ans). Ils étaient soupçonnés d’avoir volé et il était prévu de les transférer dans une prison qui ne disposait pas de cellules pour enfants. Grâce au plaidoyer mené par AVREO et des membres des RECOPE et des Parlements d’enfants, les enfants ont été libérés. Pour faciliter leur réinsertion dans leur communauté, ces mêmes acteurs ont sensibilisé les communautés sur la nécessaire réinsertion de ces jeunes et ils ont également sensibilisé les jeunes en les aidant à adopter un changement de comportement et des attitudes positives pour favoriser leur réinsertion.

Monitoring des violations des droits des enfants en RD Congo

« KIYO et ses partenaires forment les enfants et jeunes parlementaires afin qu’ils puissent contribuer à la dénonciation des abus et autres violations des droits faits aux enfants vivants dans leurs communautés ». 

A travers un système de monitoring des violations des droits de l’enfant, KIYO et son partenaire local OCET permettent aux enfants et aux jeunes d’être rétablis dans leurs droits et de pouvoir en jouir pleinement.

OCET forme des structures de jeunes parlementaires sur les techniques de monitoring pour leurs donner des connaissances suffisantes sur différentes formes des violations des droits de l’enfant, les former sur les techniques de collecte des données sur terrain, et leur analyse.

 

A l’issue de cette formation, un outil de collecte de données (fiche de monitoring) est produit contenant des renseignements importants sur l’identité et la situation familiale de la victime, les divers abus subis par l’enfant, l’identité de l’auteur de l’abus ainsi que les actions entreprises.

 

Voici le témoignage du représentant des jeunes parlementaires par rapport à ce monitoring:

« En tant que Jeunes Parlementaires ayant suivi la formation, nous sommes déployés sur le terrain tous les 6 mois pour effectuer des visites auprès des membres de la communauté. Nous collectons les données qui nous semblent importantes et les remettons ensuite à un expert qui fait une première revue pour s’assurer que nous collectons les renseignements nécessaires. Après l’analyse des données, une séance de validation est organisée par OCET avec les jeunes impliqués dans les enquêtes et enfin, le rapport sur le monitoring est produit et partagé aux acteurs concernés. Pour nous les jeunes, ces rapports de monitoring sont utilisés comme base des actions de plaidoyer à mener en coordination avec d’autres acteurs ou organisations de protection de l’enfant.

Grace aux formations reçues, nous avons produit une enquête qui révèle plusieurs abus de droits. A titre illustratif, sur les cas monitorés, les violations des droits de l’enfant les plus couramment identifiées   sont les suivantes : le rejet ou abandon d’enfants, les cas de viol, d’exploitations économiques, des violences physiques, des accusations de sorcellerie, les exploitations sexuelles et les mariages précoces. Ces visites nous ont permis de remarquer dernièrement une nette augmentation des cas d’abus de nature sexuelle par rapport aux périodes précédentes. Ceci pourrait être lié à la situation sanitaire du Covid-19 à cause de laquelle de nombreuses familles contraintes de rester chez elles, n’ont plus accès au moyens de subsistance auxquels elles avaient accès auparavant, et doivent se résoudre à « vendre » des faveurs sexuelles pour survivre.

Nous pouvons dire que grâce à OCET et KIYO, nous avons acquis non seulement des connaissances concernant l’identification d’abus sexuels et violations des droits humains mais surtout les compétences techniques pour pouvoir mener des enquêtes dans le domaine de la protection de l’enfance. »

Le réseau Agroecology X aux Philippines, pour l’avenir des systèmes alimentaires

Agroecology X (AEX) est un réseau d’organisations, d’associations, d’agricult.rice.eurs durables, d’avocat.e.s, d’entrepreneu.se.r.s socia.les.ux, de consommat.rice.eur.s et de plusieurs autres qui croient en l’agroécologie et la mettent en pratique. Le réseau souligne la nécessité de discuter de la situation actuelle et de l’avenir des systèmes alimentaires dans le pays. Ceci parce que la faim augmente au niveau national, suite à des confinements prolongés. C’est une plateforme pour des échanges de connaissances, d’expériences, de victoires et de solidarité.

Cela a débuté en décembre 2019, lorsque Solidagro a organisé une bourse de l’agroécologie avec ses partenaires aux Philippines. Agroecology X en est issu. L’AEX organise un sommet qui se déroulera parallèlement au Sommet des Nations Unies sur le Système alimentaire en 2021, afin de stimuler la prise de conscience publique et de soutenir l’agroécologie et la souveraineté alimentaire.

Le Sommet fera prendre conscience au monde entier du fait que nous devons tou.te.s collaborer afin de modifier la façon dont la nourriture est produite, consommée et perçue à travers le monde. C’est un sommet pour chacun.e, partout – un sommet pour les êtres humains. C’est aussi un sommet qui devra trouver des solutions, où l’on attend de chacun.e d’agir pour modifier le système alimentaire mondial.

Dirigé par 5 cadres d’action, le Sommet réunira les principa.les.ux act.rice.eur.s du monde de la science, de l’économie, de la politique, des soins de santé et des universités, ainsi que des paysan.ne.s, des peuples indigènes, des organisations de jeunes, des groupes de consommat.rice.eur.s, des activistes de l’environnement et d’autres groupes importants. Avant, pendant et après le Sommet, ces participant.e.s se réuniront pour apporter et discuter des changements sensibles et positifs du système alimentaire mondial.

(source : https://www.un.org/en/food-systems-summit/about).

 

L’AEX est critique face au Sommet des Nations Unies sur le Système alimentaire parce que celui-ci est dirigé par des personnalités juridiques. Et ceci après que l’ONU ait écarté des organisations de la société civile au profit d’organisations ayant une personnalité juridique, comme par exemple le Forum Economique Mondial, une organisation internationale composé de grandes entreprises. L’AEX a deux sujets de préoccupation : la désignation du Forum Economique Mondial, représentant de géants économiques, en tant que partenaire stratégique de l’ONU pour l’organisation de ce sommet, et la désignation du docteur Agnès Kalibata, présidente de l’Alliance pour une Révolution verte en Afrique. Il s’agit d’un groupe sponsorisé par la Fondation Gates. Les organisations sociales craignent qu’avec ces deux instances aux commandes, le sommet ne soit qu’un instrument pour continuer à protéger les intérêts des grandes entreprises. Ce qui se ferait au détriment de nos paysan.ne.s, des peuples indigènes et de la planète. Ce serait une catastrophe pour la souveraineté alimentaire et la biodiversité.

Les défenseur.e.s de l’alimentation chez AEX ont organisé une bourse de l’alimentation sous le nom de Salu-Salo. Le nom provient de l’usage philippin de se réunir pour manger et de célébrer ainsi les systèmes alimentaires efficaces, adaptés et locaux.

Enseignement sur le respect de l’humain et de la planète

ALCADEV, Alternative Learning Center for Agricultural and Livelihood Development, est un partenaire de Solidagro aux Philippines. Cette école pour les jeunes Lumad (populations indigènes de l’île de Mindanao) travaille jour après jour à un meilleur avenir pour les jeunes et leurs communautés. Un avenir où leurs droits seront respectés et leurs terres agricoles protégées. Un avenir avec l’agroécologie comme fil conducteur. Ils veulent promouvoir un développement basé sur l’être humain dans l’environnement autour de l’école, où se trouvent les communautés Lumad. ALCADEV enseigne aux élèves des techniques agricoles qu’ils peuvent appliquer dans leur communauté. Le projet fait également partie d’une campagne scolaire contre la grande quantité de junk food disponible dans les magasins. Voyez dans cette vidéo ce qu’ils font et ce qu’ils défendent !

Sécurité alimentaire et enseignement aux Philippines

MISFI, Mindanao Interfaith Services Foundation, est un partenaire de Solidagro. Il défend l’enseignement, la sécurité alimentaire, le droit à la terre, l’agroécologie, l’agriculture durable, la protection du climat… et travaille surtout dans des régions avec une forte population Lumad.*

Découvrez quelques magnifiques images et apprenez-en davantage sur eux dans cette vidéo!

*Lumad = terme générique désignant les peuples indigènes dans l’île de Mindanao aux Philippines