Les groupements communautaires d’épargne et de crédit, source de relèvement économique et de solidarité

Au Burundi, les personnes défavorisées n’ont pas de garanties et souvent ne sont pas suffisamment informées sur les produits financiers qui peuvent améliorer leur vie. Les groupes d’épargne que KIYO organise avec ses partenaires locaux peuvent remédier à ces lacunes en rendant l’accès au système financier plus facile et moins intimidant.  

En effet, les institutions financières classiques ne sont pas toujours en mesure de répondre aux besoins de services financiers des personnes les plus démunies. Néanmoins, ces personnes ont besoin d’accéder à de petits montants d’épargne et de crédit afin de lisser leurs revenus irréguliers, d’assurer les dépenses prévues, d’investir en temps voulu et de faire face aux situations d’urgence. En créant des groupements d’entraide au sein des communautés où ils sont présents, KIYO et son partenaire local FVS-Amade crée du lien social, un ancrage de la communauté et un peu d’espoir.

 

Les groupes de solidarité sont composés d’une trentaine de membres, généralement issus du même quartier. Ils se réunissent une fois par semaine et économisent de l’argent via trois caisses différentes pendant une année. La première caisse est appelée la caisse des capitaux. Les fonds épargnés sont gardés dans une institution de microfinance (non accessible pour de petits montants) et sont divisés entre les membres qui en profitent pour effectuer une dépense extraordinaire (lié à leur vie agricole bien souvent). La deuxième caisse est un fonds de solidarité qui permet de venir en aide à l’un des membres ou à quelqu’un de sa famille (une hospitalisation, par exemple). La troisième caisse est destinée aux Orphelins et autres enfants vulnérables (OEV) de la commune et permet par exemple de leur fournir du matériel à la rentrée scolaire. La liste des OEV qui devrait en bénéficier est établie avec l’aide du CPE (Comité de protection de l’enfance) de la commune et ne concerne, a priori, pas les enfants des membres du groupement. Et quand le groupe fonctionne bien, les services d’une mutuelle de santé peuvent également y être associés.

 

« Glorieuse n’a pas fait d’étude, mais le fait qu’elle soit membre du groupement la place au même niveau que les autres. Grâce au groupement, elle est plus épanouie. Ses enfants vont à l’école et mangent à leur faim. Le fait qu’elle ait reçu une éducation financière fait qu’elle pense différemment maintenant. Elle subvient à ses besoins ».

 

Au départ, le groupe de solidarité offre une approche individuelle nécessaire pour gagner la confiance d’une population assez déstabilisée par les années de conflit. Mais, au fur et à mesure que le groupe fonctionne et prend confiance, les démarches deviennent plus collectives : de l’aménagement d’un lieu de stockage commun, jusqu’à la création d’une coopérative formée par plusieurs groupes de solidarité d’une même commune afin d’acheter une machine pour la transformation du riz. Ce groupement est également garant d’une certaine paix dans la communauté dans la mesure où les ménages bénéficiaires de ces groupements sont à l’abri de toute forme de manipulation auxquels succombent les personnes dans le besoin prêt à tout pour survivre.

La prise en compte du genre : Un défi à relever au Burundi

De nos jours les femmes et filles sont encouragées à se battre pour prendre leurs places dans les sociétés où la culture, coutumes et religion sont placés sur un piédestal. Mais quels sont les leviers permettant de booster leurs initiatives ? 

Au Burundi, l’égalité de genre est mitigée car on rencontre une association d’opportunités et de défis tant au niveau du cadre légal qu’au niveau du cadre culturel et socio-normatif.

Au niveau des droits des femmes en général, le Burundi abrite un arsenal juridique diversifié, en l’occurrence la Constitution et les conventions internationales. Toutefois, au cœur des défis du moment, se trouve la méconnaissance de la loi, probablement du fait des lacunes en ce qui concerne sa diffusion et sa vulgarisation, elles-mêmes inhérentes à une carence des ressources nécessaires, aussi bien humaines que financières conformément à la taille de l’enjeu[1].

 

Au niveau de la culture, les mentalités sont relativement réfractaires sur les questions de genre. Dans la société, la place de l’homme, chef de ménage et de celle de la femme, davantage au service de son ménage, sont ancrées dans toutes les sphères de la société.  Dans ce contexte aux normes sociales rigides, les partenaires opérationnels de KIYO s’attèlent à réfléchir sur la question, sur leur position et cela permet de faire évoluer les points de vue, les mœurs et les mentalités de manière durable.

 

En collaboration avec les associations locales partenaires, KIYO met en place des stratégies pour inverser la balance et promouvoir l’égalité homme-femme dans les zones d’intervention. Au niveau des activités, l’attention est portée sur les besoins spécifiques des jeunes filles – parties prenantes au programme.  L’attention est mise aussi sur la promotion de l’égalité homme-femme dans les structures communautaires avec lesquelles le programme collabore notamment en assurant la parité dans les groupes de solidarité, les clubs de jeunes, les comités de protections de l’enfance, etc.

 

Parlant des groupes de solidarité (GS) d’épargne et de crédits, ils constituent un moyen favorisant le respect des femmes dans le contexte rural au Burundi. En effet, le projet qui met en place ces groupes de solidarité revêt une dimension inclusive en matière de genre car grâce à lui, les femmes rurales qui étaient exclues du système économique par la tradition ont pu trouver une place de choix en adhérant aux groupes de solidarité : maintenant ces femmes sont le moteur de développement des ménages et leur contribution est énorme dans la prise en charge communautaire des Orphelins et autres enfants vulnérables (OEV).

 

De plus, KIYO offre aux enfants et jeunes l’occasion de parler à haute voix des comportements d’inégalité de genre qu’ont manifesté leurs parents et leurs ainés et qui est même la cause des violences basées sur le genre observé dans certains ménages.

Ce changement de mentalité – à travers des actions de conscientisation et diverses autres stratégies – est donc le levier utilisé par le travail de KIYO au Burundi pour que les filles et femmes burundaises jouissent pleinement de leurs droits et aient accès aux mêmes opportunités que les garçons et les hommes.

[1] http://french.xinhuanet.com/2017-05/22/c_136305252.htm

Une évolution vers le respect du droit à la participation des enfants au Burundi

Le monde connaît la plus importante génération de jeunes de son histoire et  l’Afrique compte la plus grande part de jeunes au sein de sa population avec 40% de citoyen.ne.s de moins de 15 ans[1]. Si cette jeunesse constitue un formidable potentiel de développement, qu’en est-il de sa participation aux initiatives mises en place par les autorités ?


 

Depuis l’adoption de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, la ‘participation de l’enfant’ a fait l’objet de nombreuses initiatives et projets. En effet cette convention (CIDE) – qui pour la première fois dans l’histoire du droit international a reconnu que les enfants sont des sujets de droits et non de simples bénéficiaires de la protection des adultes – a spécifié que ces droits réclament légitimement que les enfants eux-mêmes soient entendus et soient associés aux prises de décisions sur les questions les concernant.

Cependant, le respect de ce droit à la participation des enfants requiert d’importants changements des comportements culturels à l’égard des enfants. Au Burundi, le combat demeure : la culture se montre parfois réfractaire à ce principe, en mettant en exergue les devoir de l’enfant au-devant de ses droits, en particulier le droit à la participation et à l’expression.

Pour renverser la balance, KIYO en collaboration avec les associations locales partenaires,  encadre et forme les enfants sur un large éventail de thématiques relatives aux compétences à la vie ainsi qu’aux techniques de sensibilisation et plaidoyer. Grâce à ces formations, les enfants connaissent leurs droits, ils les réalisent et les revendiquent. Cela se matérialise à travers la mise en place des clubs de jeunes dans les écoles et dans les communautés. Ces clubs sont des cadres de rencontre pour les enfants et jeunes où ils apprennent à s’exprimer en public, à analyser leur environnement, à proposer des solutions face aux problèmes identifiés, etc.

Au-delà de ces clubs, le programme favorise la mise en place des cadres de rencontres entre enfants/jeunes et adultes (parents, autorités scolaires / locales, etc…). Pour cela, les enfants sont intégrés dans les structures communautaires telles que les Comités de protection de l’enfance (CPE) ou les comités mixtes au sein des écoles (composés d’enfants et d’enseignants). Ces cadres de rencontre deviennent des forces motrices dans les communautés, favorisant l’initiation d’actions qui contribuent au respect des droits tels qu’apporter de l’aider aux enfants victimes de violences dans les écoles et dans les ménages. 

Tous ces espaces favorables à la participation active des enfants mis en place par les associations locales partenaires au programme, dans les différentes zones d’interventions, permettent de renforcer les liens de collaboration entre les jeunes et les figures d’autorité (adultes, représentants des autorités locales) pour garantir le droit de participation de l’enfant.

 

[1] https://www.plan-international.fr/info/actualites/news/2017-01-24-le-role-des-jeunes-dans-latteinte-des-objectifs-du-developpement

Le droit à l’utilisation permanente de périmètres maraichers au Burkina Faso

L’accès à la terre pour les femmes au Burkina Faso reste une difficulté majeure quand on parle de droit à l’alimentation. Grâce à l’analyse menée par les partenaires de Solidagro et les organisations communautaires de base, les fondements de cette difficulté ont été déjoués un à un.

Au Burkina Faso, les partenaires de Solidagro ont une très bonne connaissance du contexte dans lequel ils travaillent, ce qui leur permet de proposer des solutions pertinentes aux problèmes auxquels les groupes-cibles sont confrontés.

Par exemple, lorsqu’il s’est avéré qu’il y avait des blocages qui empêchaient des groupements de femmes de se lancer dans la production de légumes en période hivernale, les partenaires ont analysé la situation avec les membres de ces organisations communautaires de base (OCB). Ils ont trouvé que les droits des femmes étaient constamment remis en cause pour avoir accès à ces terres et que les espaces aménagés leur étaient retirés à chaque fin de projet/programme. Face à cela, les titulaires d’obligations restaient passifs. Cela pourrait être dû au caractère social et coutumier qui reste très sensible au Burkina Faso quand on parle des droits des femmes. A côté de cela, la législation foncière est une matière difficile à appliquer. Une première étape est l’identification des porteurs de devoirs pouvant faciliter la sécurisation foncière, il s’agit des propriétaires fonciers et des collectivités territoriales.

Une bonne analyse des parties prenantes et la sensibilisation des femmes par rapport à leur droit à la terre ont pu mener à une négociation efficace, ce qui a permis de sécuriser des parcelles qui appartiennent désormais aux groupements de femmes. Il apparait de ce processus que la sécurisation des terres et une action plus facile à revendiquer pour une OCB qu’un individu.

Colette, agricultrice au Burkina Faso et fière de l’être

Colette est membre d’un groupement communautaire au Burkina Faso soutenu par Solidagro et nous raconte comment cela lui a permis de se faire confiance et de maintenant oser prendre la parole en public pour exprimer son opinion, en tant qu’agricultrice, mais aussi en tant que femme.

Je m’appelle Colette, j’ai 51 ans, 6 enfants et j’habite à Zitougou, un village situé dans la commune de Zabré au Burkina Faso. Je suis membre du groupement « Koudawouré Aminga », il s’agit d’une organisation communautaire de base (OCB) dont le but est le développement local et l’amélioration de nos conditions de vie.

Avant que Solidagro ne soit présent dans la zone, on travaillait sur le site sans appui technique d’aucune structure. Pour fertiliser les sols, on achetait de l’engrais chimique et pour le traitement de nos plants, on utilisait des pesticides chimiques. Nos puits tarissaient vite car on n’avait aucune notion sur la gestion de l’eau pour notre parcelle. Depuis lors, je suis mieux outillée pour la production maraichère : j’ai changé mon mode de production et j’ai abandonné les engrais et pesticides chimiques grâce à l’adoption de techniques qui étaient totalement méconnues de tout le groupement. Maintenant, j’ai plus de pouvoir économique, car au lieu d’acheter les intrants chimiques, j’en produis moi-même et je peux ainsi économiser mon argent pour les dépenses sur l’éducation de mes enfants, ce que je n’arrivais pas à faire auparavant. Mon état de santé s’est amélioré car je travaille moins, je suis donc moins fatiguée. J’ai maintenant également accès à une alimentation diversifiée et je consomme ce que je produis avec ma famille, alors qu’avant, tout était destiné à la vente. Un dernier changement dont je peux témoigner, c’est le fait que j’ose prendre la parole au sein de notre organisation communautaire de base, c’est quelque chose que je n’osais pas faire avant. Je me fais maintenant plus confiance.

 

Ce dernier point mérite plus d’informations. Les partenaires de Solidagro ont été formés à intégrer le genre dans leurs activités. Lors de sessions de formation, par exemple, le choix des lieux de formation et des heures sont déterminés avec la participation de tous les membres (homme comme femme). Aussi, lors des formations, les femmes sont encouragées à prendre la parole et à participer activement. Les renforcements de capacités techniques, en alphabétisation et en leadership ont permis aux femmes d’avoir plus d’ouverture d’esprit et de s’affirmer. Nous notons de plus en plus de femmes qui n’hésitent pas à prendre la parole en public et s’exprimer clairement. Dans les OCB mixtes, les femmes accèdent aux postes de responsabilité. Selon les témoignages, les sensibilisations sur la gestion concertée des ressources du ménage et la communication au sein des couples ont permis une meilleure entente au sein des couples. Les femmes témoignent qu’elles ont acquis des capacités de négociation (ouverture d’esprit, connaissances, revenus) qui font que les hommes tiennent compte d’elles dans les prises de décision. Le profil d’empowerment utilisé par les partenaires de Solidagro est composé de 4 éléments : femme alphabétisée, femme qui contrôle ses ressources, femme ayant accès aux facteurs de production et femme ayant accès aux crédit. Ces indicateurs ont évolué de manière exponentielle au sein de la population avec laquelle travaillent les partenaires de Solidagro.

Lutter contre l’insécurité alimentaire, mais également pour ses droits

Au Burkina Faso, revendiquer ses droits n’est pas habituel. Les partenaires de Solidagro échangent avec les membres des organisations communautaires de base pour que celles-ci prennent connaissance des politiques locales et nationales qui les concernent et puissent revendiquer leurs droits quand celles-ci ne sont pas appliquées.

La non-évidence du droit à l’alimentation

Au Burkina Faso, pays où Solidagro est actif avec ses partenaires, autant les bénéficiaires s’accordent sur l’importance des pratiques agro-écologiques pour lutter contre l’insécurité alimentaire et les effets du changement climatique, autant le fait de parler de droit à l’alimentation n’est évident pour personne.

C‘est pourquoi les partenaires de Solidagro ne s’arrêtent pas à donner des formations sur les techniques de production agro-écologique aux membres des organisations communautaires de base (OCB) avec lesquelles ils travaillent. Ils veulent également leur faire comprendre les causes profondes du non-respect de leur droit à l’alimentation.

 

Des politiques communales qui les concernent

Pour aborder cela, les partenaires de Solidagro ont voulu informer les membres des OCB sur les politiques communales qui les concernent. Les partenaires ont ainsi partagé les documents des politiques sectorielles des ministères en charge du développement rural. Ils ont également organisé des ateliers lors desquels les responsables communaux et les services techniques étatiques chargés de développement rural présentent leurs structures, les différentes missions qui leur sont assignées, les projets mis en œuvre ainsi que les politiques nationales qui sous-tendent ces projets.

Ces informations ont permis aux membres des OCB de comprendre qu’il y a des dispositions prévues par l’Etat et les collectivités pour assurer leur sécurité alimentaire mais que ces dispositions ne sont pas toujours mises en œuvre.

D’autres ateliers ont porté plus spécifiquement sur l’analyse de la mise en œuvre des plans communaux de développement.  Cela a permis aux membres des OCB d’identifier les porteurs de devoirs, responsables de la non-réalisation de plusieurs de leurs droits, et plus spécifiquement de leur droit à l’alimentation. Cela a également permis de se rendre compte qu’en général, les niveaux d’exécution de ces plans en matière d’actions agro-écologiques sont très faibles.

Les membres des OCB ont depuis interpellé leurs autorités sur le fait que ces informations ne sont pas diffusées et aussi sur le fait que leurs droits ne sont pas respectés en matière de sécurité alimentaire.

Prendre sa vie en main pour s’en sortir

Témoignage de Diego, participant à la formation en coiffure proposée par AMAR, partenaire de KIYO au Brésil

« KIYO et son partenaire AMAR m’ont montré que même si ma situation semblait désespérée, je pouvais la changer moi-même. Si vous êtes né dans la favela comme moi, vous avez peu de chances de sortir de l’emprise de la pauvreté. Tous les moyens de survivre sont bons et cela fait malheureusement ressortir le pire chez l’homme. Comme beaucoup de jeunes, à l’adolescence, je me suis retrouvé dans le monde de la drogue. J’étais passeur de drogue. C’était un monde violent dans lequel beaucoup de mes amis ont perdu la vie, mais cela m’a rapporté de l’argent et j’ai donc pu survivre. Pourtant, je me débattais tout le temps avec le fait que je risquais ma vie chaque jour. Si j’étais parti, qui aurait pris soin de ma famille ?

Lorsque je cherchais une issue, j’ai vu sur Internet que KIYO, avec son partenaire AMAR, offrait des cours de coiffure gratuits. Ils m’ont offert l’opportunité d’étudier, de sorte que j’ai acquis les connaissances nécessaires pour gagner mon argent avec un travail honnête. J’ai saisi cette opportunité à pleine main. Et avec succès! Pendant les cours, j’ai appris de nouvelles techniques et compétences telles que l’entrepreneuriat. Ce qui signifiait que pour la première fois je n’étais plus dépendant de mon environnement. Après 6 mois de formation, j’ai obtenu mon certificat de coiffeur.

Je suis récemment devenu l’heureux propriétaire de mon propre salon de coiffure. C’est une petite entreprise dans la favela, mais c’est suffisant pour subvenir aux besoins de ma jeune famille et pour donner à mes fils les opportunités qu’ils méritent. Et cela signifie beaucoup pour moi! Ils n’auront pas à vivre ce que j’ai vécu.

Maintenant que j’ai pu prendre ma vie en main, j’inspire les jeunes de mon quartier à faire de même. »

Des femmes émancipées à Vila Vila

Aynisuyu, une organisation partenaire de Solidagro en Bolivie, travaille au développement local et à la diffusion des modèles agro-écologiques dans le cadre du droit à une alimentation saine et à l’eau. Elle travaille avec des act.rice.eur.s public.que.s et privé.e.s, avec une attention particulière pour les paysan.ne.s pauvres et les groupes vulnérables, comme les femmes, les enfants et les jeunes.

Depuis 2017, à Vila Vila, une commune rurale dans la région du Cono Sur, département du Cochabamba, Aynisuyu a lancé un processus de sensibilisation et de renforcement des capacités des autorités et des organisations de base autour de l’application de la Loi sur les Compléments alimentaires dans les écoles, un règlement entré en vigueur en 2018. L’organisation de paysannes Bartolina Sisa, de Vila Vila, est le grand fournisseur de produits alimentaires locaux pour le petit-déjeuner scolaire. Santusa Romero Crespo est la secrétaire de cette organisation au niveau subcentral.

« L’organisation des femmes était très faible faute de moyens pour participer aux réunions de Bartolina Sisa à des niveaux supérieurs. Nous avons beaucoup réfléchi à la façon de générer nos propres ressources. Avec l’aide d’Aynisuyu, nous cultivons depuis trois ans des graines et des légumineuses produites localement et transformées en boissons nutritives pour les enfants dans les écoles. Après trois ans, nous sommes devenues davantage une entité, en tant qu’organisation de femmes, et une direction spécifique a été instituée spécialement pour le fonctionnement de cette organisation de product.rice.eur.s. Grâce aux revenus, la direction de l’organisation coupole peut mieux se mobiliser. L’initiative a attiré l’attention de davantage de paysannes, intéressées de livrer leurs produits à cette organisation ou de travailler pour un salaire journalier. Le nombre de membres est passé au cours de l’année écoulée de 71 à 99 femmes, issues de six villages différents ». L’organisation de femmes et l’organisation de product.rice.eur.s se renforcent donc mutuellement. Le développement économique des femmes est une étape importante dans le processus de leur émancipation. Les paysannes achètent les produits localement, ce qui fournit un nouveau marché pour les familles paysannes. Et en même temps, cette initiative améliore l’alimentation des enfants.

Législation communale pour la protection de l’eau en Bolivie

L’eau, c’est la vie, mais que faire quand il y en a de moins en moins ? La vie s’arrêtera-t-elle aussi ? C’est la raison pour laquelle Solidagro insiste de plus en plus sur la protection des sources d’eau et des zones d’infiltration !

« L’eau, c’est la vie », ces mots, on les entend souvent dans la région du Cono Sur en Bolivie. Et inversement, on dit que sans eau, il n’y a pas de vie. Voilà qui est de plus en plus la réalité pour de nombreu.ses.x paysan.ne.s à Cochabamba, où Solidagro et ses partenaires Agrecol, Aynisuyu et INCCA (Instituto de Capacitación Campesina) sont actifs. La migration forcée vers la ville suite à la pénurie d’eau est ici d’actualité.

 « Avant, il y avait ici une source », voilà ce que Solidagro entend de plus en plus souvent lors de visites dans des villages agricoles.

 

Une matière à réflexion pour Solidagro et ses partenaires, après plus de 10 ans de mise sur pied de projets ruraux autour de la sécurité alimentaire. L’irrigation a toujours été au centre de ces projets, avec succès. De nombreu.ses.x paysan.ne.s ont pu doubler leurs récoltes grâce à l’accès à de l’eau d’irrigation. Mais pour combien de temps encore ?

Entretemps, et depuis 2018, Solidagro travaille avec ses partenaires dans la région du Cono Sur, composée de 12 communes rurales, avec le développement participatif de la législation communale pour la protection des sources d’eau et des zones d’irrigation. Ce processus commence à porter ses fruits. En septembre 2019, la commune de Vila Vila a approuvé sa loi et les travaux sont en cours dans d’autres communes de la région de Cono Sur.  A Pasorapa, Solidagro a assisté à un premier sommet de l’eau, avec une très forte représentation des organisations de base et des autorités communales, et qui a jeté les bases pour une nouvelle législation pour une politique de l’eau intégrale.

Au total, outre Vila Vila, 8 communes boliviennes ont une législation pour la protection de leurs sources d’eau et zones d’infiltration. Les communes qui s’y investissent comptent donc parmi les pionnières (source : Normativa municipal de protección de zonas de recarga hídrica, Helvetas/ MMAyA, novembre 2018).

 

Zones d’infiltration ?

La protection des sources d’eau et des zones d’infiltration est rarement présentée comme une priorité des organisations de base ou des autorités communales. L’accès à l’eau est très mobilisateur pour les act.rice.eur.s loca.les.ux mais on n’a pas encore suffisamment conscience de l’importance de la protection de l’eau en altitude. Convaincre ces act.rice.eur.s loca.les.ux d’agir afin de garantir leur eau pour l’avenir est donc un défi. L’eau de la saison des pluies vient s’ajouter aux eaux souterraines, ce qui fait qu’il y a toujours de l’eau dans les sources, même pendant la saison sèche.

Le niveau d’infiltration dépend de divers facteurs, comme le degré de la pente, la nature du sol, la végétation, les précipitations dans une région donnée… Si les villageois de ces régions abattent les arbres de façon incontrôlée, brûlent la végétation et étendent les zones de pâturage, les zones d’infiltration ne peuvent plus assurer leur rôle d’éponge et l’eau dévale de la montagne, souvent en provoquant de l’érosion. Les pesticides chimiques utilisés et les déjections du bétail polluent les sources d’eau. Protéger ces zones est donc d’une importance capitale !

Pour en persuader les communes et les organisations de base, le programme de Solidagro a organisé notamment des échanges avec d’autres communes, plus avancées par rapport à la protection de leur eau. Solidagro a fait une large promotion de la législation autour de la protection des sources d’eau en la présentant comme un exemple, dans la région du Cono Sur et ailleurs.

Le renforcement des capacités quant aux aspects de fond et légaux, la sensibilisation via des folders et les radios régionales, le lobbying vers les communes, la participation à des réunions de paysans et des organisations paysannes, voilà des éléments du développement commun de la législation locale. Pour ce faire, les partenaires mettent en commun les capacités locales avec celles d’autres ONG, d’universités, et pour des questions légales spécifiques, les partenaires de Solidagro engagent des consultants.

 

Législation et effets

Concrètement, la législation prévoit un sommet sur l’eau annuel avec tou.te.s les act.rice.eur.s loca.les.ux impliqué.e.s et une participation égale des hommes et des femmes. Un tel sommet est l’occasion de déterminer les priorités, identifier les zones d’infiltration à protéger en priorité et établir ensuite un plan pour la protection de ces zones. Il s’agit notamment de clôturer les sources et les zones d’infiltration, de planter des espèces d’arbres indigènes, de creuser des tranchées de filtration…

La loi fixe un pourcentage de 0,5% du budget communal total qui doit être consacré à la mise en œuvre de ce plan. Une organisation d’act.rice.eur.s loca.les.ux est également mise sur pied pour la gestion des micro bassins hydrographiques. Le non-respect des règles dans les zones protégées est punissable.

Développer une législation locale n’a pas beaucoup de sens si les act.rice.eur.s loca.les.ux, les paysan.ne.s et les organisations paysannes, les ouvri.ère.er.s de l’irrigation, ne sont pas impliqués dès le départ dans ce processus. Les organisations de base doivent exercer un contrôle social de sorte que la commune mette réellement les choses en pratique. Ce n’est que si la proposition est suffisamment légitime et portée par les organisations de base que les communes continueront à mettre la législation en œuvre.

L’approche de Solidagro suscite dès à présent l’intérêt de nombreuses autres organisations, dont des ONG, des réseaux, des universités et d’autres communes. Le Ministère de l’Eau et de l’Environnement soutient de telles législations locales en ligne avec le Plan National pour les bassins hydrographiques. En mettant toutes les forces en commun, le programme de Solidagro pour la Bolivie espère un effet boule de neige, afin que les communes en Bolivie soient de plus en plus nombreuses à protéger leur eau.

Où en est l’agroécologie en Bolivie?

Si vous avez le choix entre une salade cultivée avec des produits chimiques (pesticides, herbicides ou insecticides) et une autre, sans chimie, cultivée de façon biologique : laquelle achèterez-vous ? 

Sur un marché en Bolivie, on demande rarement comment les légumes sont cultivés, et pourtant il y a des paysans qui choisissent la manière biologique alors que d’autres utilisent des produits chimiques.

L’industrie agricole dans la plaine bolivienne a exercé au cours de ces dernières années un intense lobbying auprès des autorités à La Paz, ce qui a ouvert largement la voie aux pesticides chimiques et aux cultures génétiquement modifiées. Les gigantesques incendies de forêt dans la région de Chiquitania, autour de septembre 2019, ont été la conséquence de la décision gouvernementale de libérer les terres agricoles pour des monocultures, comme le soja. Dans ce contexte, beaucoup d’acteurs dans le pays qui défendent l’agroécologie ont pris conscience de l’urgence d’unir les forces et d’offrir ainsi un contrepoids.

 

MAB – Mouvement agro-écologique bolivien

Début 2020, plusieurs institutions, plateformes, ONG et product.rice.eur.s agro-écologiques se sont réuni.e.s à La Paz pour évaluer l’état de la situation pour ces formes alternatives de production alimentaire et développer une stratégie politique pour les promouvoir jusqu’au niveau national. Ils.elles se sont donné le nom de « MAB – Movimiento Agroecológico Boliviano ». En mars 2020, un nouveau pas a été franchi vers une consolidation de ce nouveau mouvement agro-écologique.

Solidagro soutient le mouvement par un développement participatif d’une stratégie de sensibilisation et d’influence politique. Trois priorités s’en dégagent :

  1. Davantage d’investissement et de soutien aux product.rice.eur.s agro-écologiques à un niveau national.
  2. Sensibilisation des consommat.rice.eur.s à l’importance d’une alimentation saine. 
  3. Promotion de la chaîne courte : vente directe des product.rice.eur.s écologiques aux consommat.rice.eur.s d’aliments sains.

 

Produire de façon agro-écologique, une approche systémique

« Produire de façon conventionnelle est beaucoup plus facile. Dès qu’il y a infestation, on met de l’insecticide ; il pousse des mauvaises herbes, on met de l’herbicide ; le sol n’est pas bon, on y met du fertilisant. La production agro-écologique va plus loin, on régénère le sol par une série de pratiques, comme une rotation des cultures et des parcelles, des intrants préparés, etc. La production est donc vraiment complexe mais elle est aussi vraiment durable parce qu’elle n’endommage pas l’environnement et respecte la biodiversité puisque nous travaillons avec des fertilisants locaux pour ne pas dépendre d’intrants externes », explique Lourdes Vargas, directrice technique de l’Union des Organisations des Product.rice.eur.s écologiques de Bolivie, une entité regroupant 70.000 product.rice.eur.s agro-écologiques à travers tout le pays.

 

En ce qui concerne la production, les organisations qui forment le MAB ont identifié le changement climatique comme l’un des principaux dangers qu’intensifie le système conventionnel de production alimentaire. Et qui agit doublement sur la production agro-écologique, en affaiblissant le sol et l’éco-système.

« Si notre sol est de bonne qualité, nos légumes seront bons, nous aurons une nourriture de qualité ; et si les gens se nourrissent bien, ils seront en bonne santé. Nous devons penser aussi à toutes les générations qui viendront après nous », a déclaré Germán Vargas, de l’Agroecology and Faith Association of Cochabamba.

 

« Ceux qui se considèrent comme des partisan.ne.s de l’agroécologie doivent avoir une approche systématique : je ne peux pas être tantôt agro-écologique, tantôt pas, je ne peux pas me comporter chez moi de façon agro-écologique et être un consommateur ignorant à l’extérieur. Je ne peux pas travailler dans une institution agro-écologique et puis, en rentrant chez moi, être un consommateur « junkie ». Il est important de stimuler la prise de conscience par rapport à cela chez chaque individu, chaque famille et finalement au sein de toute institution », estime Maria Julia Jimenez, coordinatrice du mouvement Slow Food en Bolivie, qui travaille à la production de nourriture saine, équitable et bonne, et ce en opposition au fastfood.

 

Soutien des autorités ?

Pour finir, on constate que l’absence d’une politique gouvernementale aux niveaux communal, départemental et national freine la croissance et la promotion de l’agroécologie. L’agro-industrie du soja, de l’huile et d’autres produits que l’on trouve essentiellement dans la partie orientale de la Bolivie, tire d’évidence le plus grand profit des choix politiques du gouvernement.

 

« Nous avons parlé du manque de clarté de la gestion de l’Etat. Nous voyons que tou.te.s les ministres et vice-ministres responsables d’une partie des problèmes que nous devons affronter, ne disposent que d’un budget très limité et que l’Etat privilégie de façon générale les cultivat.rice.eur.s de soja, les éleveu.se.r.s de bétail, les grand.es. product.rice.eur.s qui utilisent des pesticides, etc. Ceci pour une politique de facilité économique. Nous avons le sentiment qu’il y a une sorte de double discours, nous voulons donc une clarification. Voulez-vous vraiment que l’on privilégie une alimentation saine ou n’est-ce qu’un leurre pour nous faire taire ? C’est ce que nous appelons une politique de la facilité. », dénonce Pierre Van Oost, président de l’Association des Chefs-Coqs boliviens.

« Via ces réunions, en ligne avec la stratégie d’influence politique, le MAB essaie d’impliquer davantage d’institutions pour atteindre un plus fort impact politique. En premier lieu, à un niveau local, puis national. », explique Enrique Torrejón, coordinateur du Sustainable Food Systems Program, de l’Union Nationale des Institutions pour une Action sociale (UNITAS).